le Pirate Forum
    réglage initial du clavier, suite et fin

  
L'ensemble des touches a été redressé.



Le "chef" vérifie point par point ; en particulier, les pilotes (pièces de laiton réglables par un filetage, qui actionnent la mécanique), doivent être parfaitement verticaux.



Dernières retouches.



La mécanique a été mise en place provisoirement pour vérifier que la liaison clavier/mécanique est correcte.



Il reste à ajuster parfaitement le clavier dans le piano.
Le châssis doit, en tous points, être en contact avec le plateau, afin que lors du jeu, aucun mouvement parasite n'altère la poussée du marteau vers les cordes, occasionnant une perte de dynamique.
En raison de l'âge et de la déformation du bois, ce contact n'est plus assuré en tous points. On repère au moyen d'une feuille de papier les zones à poncer pour rectifier le plateau.
Les parties qui ne portent pas ne sont pas décalées de plus d'un demi millimètre en hauteur, ce qui est suffisant pour altérer le jeu, et il va falloir être précis.



Marquage des zones à poncer.



C'est maintenant chose faite. La prochaine étape ne se fera qu'une fois reçus les marteaux.

  
Nous attendrons patiemment la suite ..... :D:

  
Sympa ce petit reportage de notre chef pirate

Je découvre ce superbe reportage et je suis à la fois impressionné par l'ingéniosité des inventeurs du piano car techniquement, c'est subtil et complexe, et par le savoir faire des rénovateurs. Ces artisans méritent notre profond respect.

Merci au taulier pour ce reportage au long cours.
    Étouffoirs

  
Le piano est en effet l'un des instruments les plus complexes, ce mécanisme de bois étant particulièrement élaboré et subtil.
Le système, encore actuel, comportant le levier de répétition actionné par un ressort, a été inventé par Sébastien Érard en 1821.
Ses cotes ont évolué, mais le principe est toujours le même.

Aujourd'hui, ce sont les étouffoirs et leur mécanisme (beaucoup plus simple que celui actionnant les marteaux, déjà vu jusqu'à aujourd'hui), qui ont fait l'objet d'un nettoyage et d'une révision.

Les étouffoirs ont pour rôle de stopper la vibration des cordes d'une note une fois la touche relâchée.
Leur simple poids suffit à cela. Ils sont guidés par une longue et fine tige d'acier, soulevée lorsque la touche est enfoncée, par l'intermédiaire d'un mécanisme sur pivot.


Ces tiges sont légèrement oxydées. Après cette prise de vue, elles ont été passées à la paille de fer 000, puis au miror…


Les axes du mécanisme qui transmet le mouvement de la touche à la tige doivent, comme l'autre partie de la mécanique, être vérifiés, et parfois remplacés.
Environ une vingtaine sur 67 ont été remplacés, et une trentaine simplement lubrifiés.
Il n'y a que 67 étouffoirs, car les dernières notes aiguës ne sont pas étouffées.


extraction de l'axe


on coupe la partie saillante de l'axe neuf après l'avoir positionné et vérifié son fonctionnement (très légère friction, pas de jeu).
photo Grégoire Magne


La pédale de droite soulève le plateau de soutien des axes d'étouffoirs (barre de forte), ce qui les actionne tous ensemble et maintient le son jusqu'à ce qu'elle soit relâchée.
Cette pédale s'appelle la pédale forte.
Pour garantir un fonctionnement sans bruit, le contact se fait dans cet orifice garni de cuir et de feutre, positionné en sous-face, par l'intermédiaire du bâton de transmission.


Ce bâton de transmission, avant remise en place, est enduit de paraffine.


Voici le mécanisme en place. Les étouffoirs seront placés une fois la mécanique intégralement réglée, prochaine étape.

Il faut pour cela que les marteaux soient renvoyés par le prestataire allemand chargé de les refeutrer.

En attendant, à ce stade, notre Pleyel va faire une pause, et un Steinway B va vivre à peu près les mêmes étapes que celles décrites ici depuis quelques semaines.
Voici son mécanisme d'étouffoirs. On s'aperçoit que pour une même fonction, chaque fabricant peut concevoir et fabriquer son propre système, basé exactement sur les mêmes principes, plus ou moins élaborés.
Steinway, pour cet instrument du début des années 1910, a fabriqué ce mécanisme qui comporte deux éléments absents de celui du Pleyel : un réglage pour chaque étouffoir par l'intermédiaire de pilotes d'étouffoir, et une pédale supplémentaire, dite pédale tonale, qui a pour particularité de ne maintenir par l'intermédiaire d'une pédale au pied, que les notes frappées au moment où elle est actionnée : elle joue en quelque sorte le rôle d'une troisième main.
Aujourd'hui encore, tous les pianos ne sont pas équipés de cette pédale tonale.


Mécanisme d'étouffoirs Steinway. Les becs garnis de feutre rouge servent à maintenir au-dessus des cordes les notes jouées en actionnant la pédale tonale.

Et voici notre Pleyel en attente. Le clavier semble en désordre, car il n'est pas lesté par le mécanisme, qui ne sera remis en place qu'une fois les marteaux remontés.




  
:-) :salue
  • Message par jbz, jeudi 19 avril 2018 à 12h06
    citer

  
Ah ben ça alors ! J'ai le même à la maison.
Je parle du tapis près de la porte. :arrow2:

  
Quelle chance tu as !

  
Tromer a écrit :
:-) :salue


+1 :salue :salue :salue
    Retour des marteaux

  
Les marteaux sont arrivés aujourd'hui, fraîchement refeutrés chez Abel.




Quelques manches ont été remplacés, car ils se sont brisés lors du refeutrage, qui se fait avec chauffage sous une presse ;
il faudra les couper à la bonne dimension et les coller


Comme tous les autres, les axes des marteaux doivent être vérifiés.
Ils sont tous garnis de casimir, tissu de feutre.
Il doit y avoir une légère friction pour éviter le jeu latéral, pas trop élevée pour permettre un mouvement non contraint.
Lorsqu'ils sont trop serrés, on les réalèse avec une tige d'acier de diamètre légèrement supérieur à celui de l'axe.
S'ils sont au contraire trop lâches, on les regarnit.

Avant de les remonter, il faudra les poncer, pour les débarrasser de la couche de feutre superficielle, qui est instable et qui peluche.

Avant le ponçage, si le feutre est très dur, on pique vigoureusement les zones les plus compactes, près du point de frappe, pour détendre le feutre. C'est la pré-harmonisation, ce traitement du feutre étant ensuite affiné dans le piano, en fonction du timbre de la note frappée. Cela se fait systématiquement lors de la fabrication d'un piano neuf. Cela se fait aussi sur un piano ayant été joué quelques années, le feutre se tassant progressivement jusqu'à rendre un son trop dur.
Lors d'un refeutrage, les feutres sont plus souples, et ce n'est pas forcément nécessaire. Sur ce Pleyel, un piquage sera peut-être fait si nécessaire, après quelques mois de jeu, lors du premier accord d'entretien.

Voici une opération de piquage et ponçage pour des marteaux d'un autre piano, qui a été faite cet après-midi, pendant que les axes étaient vérifiés sur notre Pleyel.
Les manches et surtout leurs axes sont différents car il s'agit d'un piano droit. Le feutrage est identique, mises à par les variantes existant d'un piano à un autre.

Dans ce cas ci, il s'agit de redonner une forme correcte à des marteaux ayant déjà été utilisés plusieurs années, et qui se sont tassés et usés sous le jeu du pianiste.
Il s'agit aussi d'effacer les marques des cordes gravées dans le feutre au point de frappe.
Le ponçage sera moins vigoureux sur les marteaux neufs du Pleyel.

Les marteaux sont placés par ensemble de dix et tenus parfaitement alignés dans un étau :


et piqués fortement avec le piquoir garni de trois pointes





Ils sont ensuite poncés avec une bande de papier de verre.





À la semaine prochaine pour la préparation des marteaux du Pleyel.

    Mise en place des marteaux

  
Sur ce piano, les marteaux sont montés à plusieurs sur le même axe, sur un peigne de laiton. C'est une spécificité de Pleyel.


Polissage de la face supérieure du peigne



remontage en cours



Certains manches sont remplacés ; remise en place du marteau avant collage

    dressage du clavier

  
On procède maintenant au dressage du clavier. Les mouches de balancier, déjà placée lors du travail de rectification des touches, sont calées
en hauteur par des mouches de papier de différentes épaisseurs, pour que les avants de toutes les touches blanches soient exactement au même niveau.





On dispose ensuite des mouches d'enfoncement, d'une épaisseur choisie pour que l'enfoncement des touches soit exactement de 10 mm.



Dans un premier temps, seules les touches blanches ont ainsi été calées avec précision. Les touches noires reçoivent les mêmes mouches,
et feront l'objet d'un réglage individuel plus fin lorsque la mécanique aura reçu son premier réglage de base.



Voici le clavier tel qu'il a été calé aujourd'hui.
La mécanique à nouveau équipée de ses marteaux a été remise en place.
La prochaine étape sera le réglage de la mécanique, et on reviendra faire des calages fins du clavier ultérieurement.





Maintenant, pour la première fois depuis le début des travaux, on peut entendre le piano !

Ces photos ont, cette fois, été faites au téléphone portable.


  
... et après tout cela aurons-nous le plaisir d'un petit fichier audio ?
:salue

  
Je pense que je le ferai.
Je ne sais pas sous quelle forme, car je n'ai jamais enregistré et je n'ai pas de matériel pour cela.
Je ne sais pas si je ferai simplement entendre du son ou si je ferai autre chose.
Je n'aime pas tellement la musique enregistrée, sauf par des grands maîtres bien sûr.
Et ce n'est pas le propos de ce sujet qui est, comme à mon habitude ici, un reportage photographique.

Mais il est vrai que le thème appelle la prise de son.

Pour l'instant, il n'est pas jouable, pas encore au diapason, et absolument pas réglé. De nombreuses notes ne fonctionnent pas.

Il va falloir suivre les étapes suivantes :
- réglage de base à zéro, comme si l'on avait affaire à une mécanique neuve,
- positionner précisément les marteaux sous chaque corde (dans les basses), ou chœur de cordes (médium et aigus, deux et trois cordes),
- régler la frappe (le marteau doit frapper les deux ou trois cordes exactement en même temps ; pour cela il faudra vérifier note après note que le marteau monte bien parfaitement vertical, et que les cordes sont bien parfaitement horizontales par groupes de deux et trois, et rectifier si ce n'est pas le cas),

- puis vérifier une fois cela fait, que le dressage du clavier n'a pas besoin de retouches,

- et enfin faire les réglages définitifs, qui comportent
  • la chasse (distance du marteau au repos à la corde, généralement entre 45 et 47 mm)
  • la position de l'échappement (le marteau doit échapper au contrôle de la touche entre 1,5 et 2 mm avant de frapper la corde et retomber librement)
  • l'enfoncement (la touche doit s'enfoncer de 10 mm)
  • et d'autres réglages annexes, position des bâtons d'échappement, tension du ressort de chevalet, vis de chute...


Dessin de la mécanique :
    finitions mécanique et clavier

  
Le clavier ayant été parfaitement dressé, la mécanique a été réglée : chasse (distance marteaux au repos / cordes), échappement (distance à laquelle le marteau n'est plus poussé par le bâton d'échappement), chute (position du marteau près à être relancé juste après l'échappement), et autres petits réglages annexes.

Il reste quelques finitions :

pour faciliter l'échappement, on enduit le dessus du bâton d'échappement de graphite (à gauche, en gris anthracite, sur la première photo ci-dessous), et on passe une poudre de téflon sur le cuir des nez (deuxième photo) ;
le bâton déplace le marteau vers le haut en exerçant une poussée sur le nez (ou le rouleau) du manche du marteau ; le nez est garni de feutre, pour donner une certaine élasticité, recouvert d'un cuir robuste, sur lequel le bâton doit pouvoir glisser au moment de l'échappement.





Il reste également à régler l'attrapé : après la frappe, le marteau doit être saisi par l'attrape qui est disposée à l'arrière de la mécanique sur la touche, et relâchera le marteau au moment où l'on laissera remonter la touche. Tous les marteaux doivent être attrapés à la même hauteur par rapport au cordes pour garantir un jeu régulier pour le pianiste.

L'attrape est garnie de cuir, et bloque la marteau par sa queue, que l'on strie pour faciliter l'attrapé.
La position de l'attrape est réglée en exerçant une torsion sur la tige de métal qui la porte.







Vérification, deux à deux, que les marteaux sont bien tous attrapés à la même hauteur.



Il reste à polir le clavier et le lustrer…

Après polissage au papier de verre très fin, lustrage





    Accord

  
Les cordes n'ont pas encore été montées à leur tension définitive.
Pour faire la suite du travail, il faut maintenant monter le piano au diapason.

On accorde les groupes de deux et trois cordes (les chœurs) en isolant des cordes pour accorder d'abord une corde par chœur.
La bande de feutre est calée pour laisser dans un premier temps vibrer seulement la corde du centre.





    Portée des marteaux sur les cordes

  
Les marteaux doivent frapper exactement avec la même force les deux ou trois cordes des chœurs.

Pour le vérifier, on maintient avec un crochet chaque marteau en contact avec les cordes, et on les pince pour vérifier si une corde sonne plus ou moins librement, ce qui signifie que la ou les cordes ne sont pas en contact parfait, un peu trop basses, ou trop hautes.



Les cordes trop hautes peuvent n'être pas assez plaquées contre le chevalet.



Si toutes les cordes sont bien plaquées, il faut remonter celle qui est trop bas au niveau de l’agrafe, ce que l'on fait avec ce crochet spécialisé.



Il peut arriver que ce soit la position du marteau qui doive être rectifiée.
On le fait en exerçant un mouvement à la main, en chauffant le manche.

    Montage des étouffoirs

  
Tous les réglages ont jusque là été faits sans les étouffoirs, qui ont été nettoyés et préparés, ainsi que leur mécanisme, il y a quelques semaines



fixation des tiges des étouffoirs sur le mécanisme situé derrière la mécanique, actionné par l'arrière des touches.



Les étouffoirs doivent être soulevés à mi course du marteau.

Vérification du fonctionnement correct…

    fin de l'épisode

  
Cette histoire est (presque) terminée.

La suite aura lieu lorsque le piano sera livré là où il sera joué, dans le cours du mois de juin.



Je remercie Grégoire Magne qui a accepté ma fréquente présence.
Il fait le dernier test de la journée :



:salue

  
Merci pour cette extraordinaire histoire et félicitations à tous ceux qui œuvrent pour la beauté, quelque forme qu'elle peut prendre :D:
    Retour à la vie d'un Pleyel, récit

  
Je suis content que cette histoire te plaise.
Ce n'est pas tout à fait terminé.

Par de nombreux aspects, le piano peut aujourd'hui être considéré comme étant neuf :
  • la contrainte sur la table d'harmonie a changé, car la position du cadre de fonte supportant les cordes a été modifiée, la mise en tension est récente, et le piano n'était plus accordé ni joué depuis très longtemps. Elle va se "faire" et, dans quelques semaines, quelques mois, ne sonnera pas tout à fait comme aujourd'hui ;
  • les cordes elles-mêmes, sous la contrainte de la tension, se modifient, et trouvent, après plusieurs accords, une stabilité pour quelques décennies (elles finiront un jour par mal sonner quand elles seront trop vieilles, mais on a le temps...) ;
  • les feutres neufs vont se tasser ;
    des feutres de marteaux neufs donnent au début un son "feutré" qui va se modifier pour devenir plus limpide, et en particulier donner une émission du son plus franche à l'attaque.

Pour toutes ces raisons, il faudra un nouvel accord lors de la livraison dans un mois environ.
Puis un autre trois mois plus tard.
Et, surtout, le jouer pour que tout se fasse et prenne sa place. Les marteaux vont se durcir au point de frappe. Chez les fabricants, on utilise même une machine à jouer les pianos pour accélérer les choses. En restauration, on ne peut pas faire cela...
Voyez cette vidéo montrant la fabrication des pianos droits de Yamaha, où l'on voit la machine à jouer les pianos,
ou celle-ci, pour les pianos à queue de Yamaha,
ou encore celle-ci, montrant une machine similaire pour les pianos à queue de Steinway.
J'ai réglé le départ de ces vidéos sur le moment où l'on voit la machine.

Si vous regardez intégralement ces vidéos (publicitaires mais intéressantes tout de même), vous reconnaîtrez quelques uns des gestes vus ici, qui concernent aussi un piano neuf. Bien sûr, vous ne verrez pas redresser des claviers tordus…

Après quelques mois d'utilisation, qui remplacent la machine infernale des usines, on pourra agir sur les feutres des marteaux, déterminer s'il est nécessaire de les durcir un peu, ou au contraire les assouplir (c'est peu probable), harmoniser si le timbre n'est pas régulier sur toutes les notes, et faire ainsi la vraie finition.

  
Bonjour à tous les piratiens.
Depuis cette histoire j'ai changé de vie.
Je travaille désormais là : https://pianosmagne.fr ...
    Re: Retour à la vie d'un Pleyel, récit

  
Ça change de l'urbanisme :mask:

  
C'est bien de changer de vie :salue
  • Message par Tromer, vendredi 22 février 2019 à 23h03
    citer

  
Bravo. Je confirme :D:
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