Oui, les fondateurs de nouvelles implantations humaines mettent au point des découpages fonciers. Les cadastrations romaines ont la particularité d'être des découpages orthogonaux, comme tu le précises, en terrain plat. Ils évitent tous reliefs, qui ne sont donc pas découpés en propriétés foncières.
Ils n'ont pas pour autant inventé la trame foncière, qui est un outil d'analyse : ils ont inventé le cadastre.
Si les implantations des grandes villes antiques se font sur des tracés orthogonaux, ainsi que les tracés des colonies romaines de l'empire romain (les bases cadastrales de toute l'Afrique du nord sont pour cette raison semblables à celles que l'on trouve en France), les implantations humaines en dehors des grands pouvoirs centraux se font suivant les traces des cheminements les plus anciens, qui sont ceux des routes remontant parfois à la préhistoire, et les découpages les plus anciens, qui sont ceux des mises en culture des premiers établissements humains sédentaires. Pendant tout le Moyen-Âge, les découpages fonciers se font majoritairement, en ville, suivant des principes la plupart du temps radio-concentriques, et en milieu rural, suivant les logiques topographiques : suivant les cours d'eau, les lignes de plus grandes pentes, les lignes de thalweg et les crêtes.
J'ai, sur ce forum, esquissé quelques petites choses à ce sujet dans
ces deux messages.
L'étude de la trame foncière se donne pour but de mettre en évidence les origines des tracés, les permanences à travers l'histoire, et, éventuellement, d'utiliser cette compréhension de la trame pour l'utiliser comme base de projet.
Voici, ci-contre, un tracé encore grossier, en cours d'étude pour un PLU (Plan Local d'Urbanisme d'une commune rurale des Alpes de Haute-Provence). | |
Et voici la trame du centre de Carpentras, qui superpose la trame romaine, la ville radioconcentrique médiévale, et les quartiers orthogonaux modernes des XVIIe et XVIIIe et siècles. |
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Le Corbusier, dans ses publications à propos d'urbanisme, oppose le
chemin des ânes, qui est le tracé issu de l'histoire, et le
chemin des hommes : le tracé rectiligne de la ville de demain (lire dans
Urbanisme, 1925, Arthaud éditeur).
Lorsqu'il implante sa Cité suivant un axe parfaitement nord-sud, indépendamment de toute référence au foncier et aux tracés pré-existants, Le Corbusier fait un acte militant.
Le Jean Coignet était bien
de la famille : il était mon père.
Né en 27, il était tout jeune homme en 1945 lorsqu'il a choisi d'être étudiant en architecture, et, parmi les ateliers des grands contemporains dans lesquels il a fait ses armes, il y a eu celui qui étudiait alors la Cité Radieuse de Marseille (Atelier Corbu rue de Sèvres à Paris). C'est là qu'il a rencontré Hanning, plus âgé que lui, qui a été l'un de ses grands amis.
J'ai baigné dans ce milieu, enfant, et, après avoir voulu être pianiste, cinéaste…
, cela n'est certainement pas pour rien dans le choix de mon activité actuelle.
Pythéas
il n'y avait pas de théorisation générale et je suis surpris qu'il ait fallu attendre le XX siècle pour que celle-ci soit formulée.
Ce n'est pas surprenant, c'est lié à l'apparition de nouveaux métiers, et de nouvelles préoccupations.
L'idée d'urbanisme est nouvelle au XX
e siècle, car pour la première fois, on anticipe les besoins et on les modélise.
Auparavant, on fait des projets de ville, de quartiers, et des projets d'
embellissement, comme on ferait de l'architecture en grand format sur de grandes étendues.
De plus, dans ces mêmes années du milieu du siècle dernier, de nouveaux courants de pensée apparaissent : pour la première fois, la notion de patrimoine englobe d'autres témoins du passé que ceux légués par les grands noms, et l'Histoire s'intéresse à de nouveaux domaines : ceux des traditions populaires, des savoirs, des modes de vie.
En simplifiant un peu trop, on peut considérer que des courants de pensée frères animent le courant historique des
Annales de Lucien Fèbvre et Marc Bloch, et l'intérêt nouveau pour les
arts et traditions populaires, incarné par Georges-Henri Rivière.
C'est ainsi que les courants de pensée dans le domaine de l'urbanisme voient dans ces années d'après-guerre se dessiner deux grandes tendances, celle qui prône la
tabula rasa, et celle qui cherche dans la compréhension des territoires que l'histoire nous a légués les traces à exploiter pour bâtir l'avenir.
L'étude de la Trame Foncière est l'un des outils des seconds.