le Pirate Forum

  
Dans mon petit village des Hautes-Alpes, le week-end du 1er novembre est tout entier dédié à la fête du pain
Face à la Meije, le village se retrouve dans le four banal avec les gestes ancestraux de la fabrication du pain, appris des anciens, et transmis aux petits.

Autrefois, du fait de l'isolement hivernal de ces villages, la fabrication du pain était une nécessité pour passer l'hiver avec assez de victuailles. Le pain noir (ailleurs appelé pain bouli), fait de 100 % de seigle, pétri pendant plusieurs heures selon un savoir faire bien précis, et cuit toute une nuit dans le four banal du village, était la base de l'alimentation de ces paysans à la vie particulièrement rude. Chaque famille faisait son pain pour la saison à venir.
La modernité a permis le désenclavement de ces villages, et la fabrication du pain — après avoir disparu pendant plusieurs décennies — a été remise à l'honneur par la jeune génération, sous les indications des anciens. Elle est devenue maintenant une fête à laquelle je suis gentiment accueillie comme photographe officielle...

Plusieurs étapes. Plusieurs fournées. Plusieurs types de pains (en plus du pain noir, les ginades, 50 % seigle, 50 % froment). Des tartes, des pâtés de choux...
La fête dure 3 jours et 2 nuits...
Ce sera donc un feuilleton photographique :kl:


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Les panières, qui serviront à laisser lever la pâte des ginades avant d'enfourner, attendent, suspendues dans de grands sacs de jute depuis l'année dernière, à l'abri des rongeurs.
La farine est, bien évidemment, locale !




Le four est chauffé pendant des heures, avec de gros fagots de bois coupé dans les environs. La voûte du four doit devenir blanche.




Pendant ce temps, les panières sont déballées, prêtes à l'emploi.




Les deux pétrins sont remplis de farine, de sel et d'eau. Le levain a été fabriqué avec de l'eau bouillie, faisant éclater les grains de farine, ce qui donnera un léger goût de pain d'épices au pain noir.




On ajoute de l'eau selon l'aspect général de la pâte. Le dosage n'est pas vraiment précis, mais c'est l'habitude qui fera que la fournée sera réussie, ou non...




... à suivre

Marielle, voulant en savoir un peu plus sur cette tradition, j'ai trouvé quelques photos (c. 1953) très intéressantes sur le site culture.gouv.fr, dont celles-ci, par exemple:




mais, peut-être, connais-tu ces documents...

  
Je connais, bien sûr, ces photos.
Merci pour le lien (et pour ton intérêt).
Il s'agit effectivement de ce petit village, au dessus de La Grave, et du même four.
Les personnes photographiées - et dont les noms sont indiqués - sont les parents et les grands-parents de la génération actuelle.
Ils sont presque tous morts, mais c'est justement par eux, après des années d'interruption de la tradition, que les gestes ont été transmis jusqu'à aujourd'hui.
Voulant faire renaître la tradition, les jeunes sont allés leur demander, il y a une quinzaine d'années, de leur montrer. Certains ont été réticents, la préparation du pain étant restée dans leur mémoire liée à la rudesse de leur vie d'autrefois.
Une poignée a accepté, et nous voici aujourd'hui.

  
Merci pour ce récit illustré. Finalement cela valait la peine d'attendre ... il est vrai que les bonnes et belles choses se méritent toujours.
Nous espérons la suite avec une gourmande impatience.
Bonjour à Solange

  

Quand les proportions farine/eau sont bonnes, chacun plonge tête baissée dans le pétrin. Il est 14h.
La pâte est pétrie pendant près de deux heures, faisant plusieurs allers et retours de pétrin :
la pâte doit être transportée d'un bout à l'autre du pétrin, pétrie, malaxée par petits bouts, passée de mains en mains, jusqu'à obtention d'une pâte homogène, sans farine résiduelle.
Pour chaque pétrin, au moins 5 ou 6 personnes sont nécessaires.




Lors du dernier passage, la pâte est pétrie avec les poings. Mais avec douceur (ne pas la brutaliser)




Le pétrin n°2 est en retard... Les hommes se chambrent gentiment, chacun étant supporter de son pétrin, et de son équipe...
Puis la pâte est bénie par ce simple geste, mi-superstition, mi-tradition. Pour que la fournée soit bonne.




La pâte est ensuite mise à lever, à l'abri de la poussière, sous un drap de lin, puis sous le couvercle en bois du pétrin : il est 16h. La pâte lèvera jusqu'à 23h environ.






... à suivre pour l'enfournage

Marielle suggère (et elle a bien raison)
...Mais avec douceur (ne pas la brutaliser)

Je trouve cette photo bien troublante, pas vous?
:rollr:
  • Message par bedojo, vendredi 30 novembre 2012 à 22h55
    citer

J'aime beaucoup ce genre de reportage. C'est à la fois moderne et nostalgique. Puissant et tendre. C'est beau...
  • Message par Tromer, vendredi 30 novembre 2012 à 23h38
    citer

  
Belle suite qui nous plonge davantage encore dans l'ambiance mêlée d'attention et de force qui transpire sur les corps dénudés de ces jeunes hommes qui peuvent effectivement troubler...
Le signe de croix tracé sur la pâte me rappelle le geste de mon grand père qui faisait de même sur l'envers du gros pain de campagne avec la pointe du couteau avant de l'entamer puis de le distribuer aux uns et aux autres ...
La délicatesse de ces deux hommes qui posent délicatement le linge sur la pâte afin qu'elle repose est très émouvante.
    pendant ce temps, en face

  
Merci pour vos gentilles remarques.
    Super!

Excellent reportage. Le choix du N&B le transforme encore.
Les commentaires se marient bien et font ressortir ces valeurs de tradition, de travail, d'histoire qui plongent leurs racines dans l'homme! Et quand je parle de l'homme, j'embrasse la femme :)
Merci pour ce reportage qui mériterait d'être publié !

  
C'est vrai que c'est assez beau, mais quand-même souvent techniquement imparfait, des flous de bougé, des lumières trop fortes dans le champ, etc.
Je pense qu'il faut plus d'exigence pour publier.
Peut-être en suivant d'autres fois ce bel événement, pour compléter ?
    c'est long, c'est bon
  • Message par paga, dimanche 2 décembre 2012 à 3h03
    citer

hédoniste nihiliste
Et pour les jours ou ça n'est pas la fête du pain, comment font ils pour trouver de la baguette dans ce village? :mrgreen:

  
Nous avons longuement attendu des photos de Marielle mais cela ne fut pas vain.
Le noir et blanc est un excellent choix pour ce type de reportage reprenant des traditions ancestrales.
Je constate que Solange, bien que discrète ces derniers temps sur le forum, veille au grain :wink:
J'en profite pour saluer Solange en espérant qu'elle poste à nouveau des photos sur le forum

Très beau reportage !
Félicitations sincères.

Je ne voudrais pas trop me mêler de ce qui me regarde pas, mais, M. Coignet, avez-vous déjà fait ce genre de photo, êtes-vous photographe ?
Votre commentaire laisse imaginer que vous ne savez pas grand chose des contraintes de ce genre de photos en argentique…

  
Monsieur Coignet parait parfois un peu dur dans la forme mais il a un "bon fond" :D: :wink: :kl:
    A tord ou à raison
  • Message par Tromer, dimanche 2 décembre 2012 à 21h05
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Je dirai même que le sieur coignet sait être une bonne pâte à pain ...

...oui, oui (peut-être) mais sait-il au moins ce qu'est la photo "à l'ancienne"? Vous savez, avec une pellicule à la place des capteurs et plein de dégoutants produits chimiques pour obtenir, au final, une image avec plein de défauts... Et Fotomator a bien raison de poser avec lucidité et courage les questions qui nous taraudent, sans doute, tous (bonjour Fotomator :mrgreen: ).

Bonjour Solange !
:? C'est votre gourou ?

fotomator a écrit :
!... C'est votre gourou ?
Le mot est un euphémisme et je lui suis dévouée corps et âme !

...et j'aime bien ces "flous" et ces lumières crues qui traduisent parfaitement l'humain, le vivant, le lien qui unit ces gens dans ce village de montagne qui n'oublie pas son passé et le perpétue par la volonté des nouvelles générations.

  
La pâte a reposé suffisamment. Elle semble belle.
Elle est découpée à l'aide d'une bêche.




Puis avec une belle dextérité, sans la brutaliser, elle est transmise à la table d'à côté, où elle sera façonnée en tacons qui deviendront, après cuisson, les futurs pains noirs.




Les tacons sont disposés sur des planches pour passer de la salle des pétrins (appelée purgatoire) à la salle du four (appelée, comme il se doit, l'enfer)




Pendant ce temps, le four est nettoyé de la braise et de la cendre. La voûte est devenue blanche. La chaleur est idéale.




Il va falloir aller vite pour enfourner. Plus de 90 pains noirs sont enfournés en 5 minutes.




Le four est fermé par une grande ardoise épaisse. Les interstices seront obturés par un mortier pour maintenir la chaleur toute la nuit.
Enfournés à 23h30, les pains seront défournés vers 7h.








...Encore une nuit de patience et nous pourrons goûter le délicieux pain chaud, sorti du four.

  
Nous patienterons :D:
Cette série devient intemporelle par ces gestes reproduits depuis la nuit des temps. Les flous ne me gênent pas même si je respecte la pensée de notre gourou :kl:
J'attends la suite avec impatience

J'aime bien cette série, à la fois pour le sujet et pour son traitement. En sus, il n'est pas facile de prendre des photos dans de telles conditions de lumière.
Peut-on avoir une vue extérieure du four banal ? Voir à quoi il ressemble et découvrir son environnement ? Avec La Meije en arrière plan, le site doit être splendide.
Pour l'anecdote, lorsque j'étais jeune ingénieur à EDF, j'ai fait renforcer (en souterrain) une partie du réseau de La Grave pour raccorder une des toutes premières boulangeries avec four électrique de la région, si ce n'est même la première. C'était à la fin des années 70 (78 ?). Ce boulanger existe t-il toujours et dispose t-il toujours d'un four électrique ? Et accessoirement : en est-il satisfait ?

  
La photo "interlude" a été prise exactement depuis la porte du four. Cet endroit est tout simplement grandiose.

Voici une photo du four en été, avec la Meije en arrière plan.




Hors saison d'été, il n'y a plus de véritable boulangerie à La Grave. Les gens vont se ravitailler à l'épicerie qui fait dépôt de pain, ou vont jusqu'au village d'après (voire même Bourg d'Oisans).
En été, il y a une bonne boulangerie à l'entrée du village, qui pourrait correspondre à ta description : maison des années 70 avec une installation électrique d'époque, tenue par 2 sœurs qui tiennent aussi un hôtel-restaurant. C'était le mari de l'une d'elles qui était boulanger. Il est décédé il y a quelques années, et les 2 vieilles soeurs ont trop de travail par ailleurs pour maintenir la boulangerie ouverte à l'année.
Est-ce cette boulangerie ?

On y trouve des sablés délicieux, pour lesquels on fait volontiers des détours à la fin de nos randonnées !
  • Message par paga, lundi 3 décembre 2012 à 0h09
    citer

hédoniste nihiliste
marielle a écrit :
Cet endroit est tout simplement grandiose.

Voici une photo du four en été, avec la Meije en arrière plan.


Et ta photo lui fait largement honneur!

:salue

  
Le site est grandiose
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