J'ai regardé plusieurs fois ta série avant d'écrire.
Le traitement est singulier, mais semble voulu, car homogène : comme des couleurs vieilllies accordées à ces vieux témoins figés dans le temps.
La vision de ces détails m'intéresse à deux titres : l'un est vraiment anecdotique, car il s'appuie sur ces détails d'une époque révolue, qui ont vieilli en place sans intervention ni modification, ce qui est singulier ; l'autre est bien évidemment lié à la charge émotionnelle qui pèse sur les lieux.
Tes notations me semblent justes : elles expriment essentiellement ce temps arrêté qui a été décidé et accepté après un déchaînement de violence sans grand équivalent dans nos contrées (il y en a eu d'autres ailleurs, les pogroms de l'est, ou pour d'autres raisons, Guernica).
Je te remercie de ta réflexion, du temps qu'elle t'a imposée ; c'est vrai que le sujet le réclame autant pour le photographe (car sans doute mille fois photographié) un sujet difficile à travailler, et c'est pour cela que tu soulignes le traitement particulier et voulu.
Je me suis rendu, et il y a longtemps que je voulais retourner (45 ans, j'avais 14 ans lors de ma première visite...) à une période hors vacances et j'étais d'ailleurs seul la plupart du temps, j'ai donc pu travailler dans le plus grand recueillement, solitude, sous un soleil de fin d'hiver, en fin d'après-midi, j'ai pris le temps de caresser les pierres, les rebords de fenêtre, la terre afin de m'imprégner des instants de bonheur ou tout simplement de vie de tous les jours, les enfants qui jouent, les hommes sortant d'un café. Et c'est bien là le rôle du photographe, "l'instant décisif", celui-ci y prend d'ailleurs toute sa force, il y a eu arrêt du temps. Larme à l'œil et colère.
Merci de t'y être attardé, en tout cas j'ai eu grand plaisir à te lire.
Je rejoins Laurent dans ce qu'il a écrit.
Cette série sur Oradour ne peut pas laisser indifférent(e). Le choix, visiblement voulu, des couleurs, le regard figé sur un temps arrêté, les objets de tous les jours (vélo, voiture d'enfant), torturés en témoignage des hommes, des femmes et des enfants qui le furent, le silence éternel en souvenir de cette violence inouïe, l'église, lieu de l'horreur indicible...
Je n'ai jamais eu le courage d'y aller et tes images me glacent. C'est dire si tu as su transmettre l'ambiance de ce lieu de mémoire.
Merci
