le Pirate Forum
    Une fromagerie dans la montagne

  
Hier, en allant faire mes courses au supermarché, j'ai vu tous ces fromages au lait pasteurisé sous emballage plastique, et j'ai soudain eu la nostalgie de ma montagne.

Cet été, je suis allée photographier Jean-Michel et Michaël, oncle et neveu, qui vivent dans un petit village perché en face de la Meije dans les Hautes-Alpes, et qui vivent de leurs bêtes : chèvres et vaches, lait, fromage et viande.
Tous les jours de l'année, ils se lèvent aux aurores pour aller traire les vaches et les chèvres, avant de les emmener paître dans les prés environnants.

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Le soir, tout le monde rentre à l'étable pour la nuit. La traite a lieu à la bergerie.

Cet été, plusieurs naissances ont eu lieu : ce petit veau est né l'après-midi même, dans les prés. C'est sa première tétée à l'étable.
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Michaël teste la qualité du lait avant de brancher la trayeuse
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Cette machine a énormément amélioré leur quotidien : jusqu'à il y a 3 ans, la traite se faisait encore à la main.
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Michaël emporte à la laiterie (qui se situe dans le même bâtiment) la récolte du soir
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Pendant ce temps, Jean-Michel s'occupe des chèvres
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Le lait de la journée est mis à cailler dans le grand chaudron
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Puis moulé à la louche pour faire des petits chèvres
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Qui seront délicatement salés
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Le lait de vache sert à fabriquer des Tommes : le lait caillé est mis dans un torchon dans des moules
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Une fois le petit-lait évacué, les tommes sont mises à reposer à température ambiante
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Puis retournées 2 fois / jour
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Au bout de 48h, elles sont mises à affiner dans la cave
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Quelques jours plus tard, elles sont bonnes à déguster
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Nikon D700 + 2.8/24 + 1.4/50
  • Message par Garp, jeudi 8 octobre 2009 à 8h43
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Hello Marielle, pour l'instant je découvre ton reportage. J'aime faire plusieurs lectures. Alors je commenterai d'avantage un peu plus tard. Premières impressions ; que la montagne est belle. La tradition perdure. Juste un souhait peut-être.... Tu sembles bien connaître cette région et les gens qui y vivent. Pourrais-tu nous parler d'eux ? J'aime les gens avant tout. Sont-ils heureux ? Quelles sont leurs préoccupations ?

A+ Biz :pyrhlov:
L'idée d'un univers infini me rend fou

  
Chère marielle,
Voilà un reportage qui fait du bien de bon matin ! ça change de la noirceur des évènements que nous déversent les médias dès poltron-minet !
Pourtant (et je suis bien placé pour le savoir) cette profession sait actuellement (et souvent à juste raison - mais je pense surtout aux "petits" comme ceux que tu montres) se faire entendre... En tout cas, cette fraicheur est un plaisir pour l'oeil et pour l'âme. Savoir qu'il existe encore de tels endroits et des personnes pour y vivre et tenter d'en vivre me réconcilie avec la gente humaine et dame nature que certains se font bien forts actuellement de vouloir sauvegarder à force de grands-beaux films finalement assez chiants mais à voir de préférence en avant première sur les Champs Elysées...! je continue de préférer les champs et leurs alysés...

Je pourrais dire bravement "j'aime tout de cette série"... ça ne serait pas Pirate mais en même temps cela ne serait pas faux :-)

Comme Garp je pense que je vais y revenir (sans doute souvent pour respirer un bon coup) mais une première impression tout de même. Il me semble que les vues d'intérieur avec les animaux manquent un peu de piqué, de profondeur... Nous (je devrais dire JE) sommes devenus tellement habitués à des images très travaillées (au sens de ce que l'on peut en voir sur nos petits écrans) que l'on finit par devenir exigeant... qu'en penses-tu ?

A ceux qui passent par ici avec un peu de retard je signale que ma remarque valait AVANT que les images de marielle ne soient retraitées...

Par ailleurs et pour Tromerer mes propos je me suis souvent demandé ce que pense l'Europe, et tous ses fonctionnaires, de la qualité sanitaire de tels endroits qui continuent contre vents et marées à nous offrir du vrai-bon-fromage-qui pue-et qu'a du goût ? Je me souviens être tombé mort de rire lorsqu'un matin, rendant visite à une amie qui faisait des Pélardons en Cévennes, je l'ai découverte, habillée d'une combinaison blanche avec un chapeau de la même couleur sur la tête et m'obligeant, avant d'aller choisir mes fromages, à passer par un sas afin de voir si aucune mouche n'était passée avec moi !

Tu vois, chère marielle, ta course chez Carrouf :mrgreen: n'aura pas été vaine...tu auras au moins réveillé chez le normand du bas que je suis la fibre du terrien qui, même Pirate de l'intérieur des terres, aime par dessus tout le sens du vrai.

Et quand en plus c'est beau, on va pas se plaindre !
_____________________________________________
A la sainte Pélagie, Tromer a réagi...
  • Message par Garp, jeudi 8 octobre 2009 à 11h49
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Certaines sont un peu plates, certes ! Un coup de niveaux et hop ! :-) (pardon Rainer :mrgreen: )
L'idée d'un univers infini me rend fou

  
Garp
Tu sembles bien connaître cette région et les gens qui y vivent. Pourrais-tu nous parler d'eux ? J'aime les gens avant tout. Sont-ils heureux ? Quelles sont leurs préoccupations ?

Je suis heureuse de cette remarque/question. Car j'aime aussi les gens, sans doute par dessus tout le reste. Les gens dans ce qu'ils sont, dans ce qu'ils font.

Ces montagnards, je les connais un peu, depuis bientôt 10 ans. J'ai pris le parti, depuis le début, de ne jamais entrer dans d'éventuelles querelles de voisinage presque séculaires comme il en existe dans tous les villages, et d'être la plus naturelle et simple, entière, droite envers tous. J'ai rapidement été adoptée par les habitants de ce petit village, malgré mes origines citadines. Adoptée, et donc parfois totalement acceptée dans leurs vies (fêtes de village, participation à la vie du village - fête du pain, réunions pour des décisions communales -, problèmes de santé, enterrements, confidences, etc).

C'est un petit village qui, après avoir connu le départ à la ville de toute une génération, est redevenu très vivant, grâce à une poignée de jeunes (moins jeunes, actuellement) qui, amoureux de leur pays, ont voulu y rester malgré les difficultés.
Ils ont réhabilité le four banal du village, restauré les vieilles chapelles environnantes, chacun participant selon son savoir-faire, réappris auprès des anciens les gestes oubliés qu'ils transmettent maintenant à leurs enfants. Les enfants vont apprendre des métiers à Gap, Briançon, Grenoble, Lyon, qu'ils reviennent, pour la plupart, exercer au pays.

Jean-Michel est de ceux qui auraient pu (avec des bourses et autres aides de l'Etat) aller faire des études ailleurs. Il a souhaité reprendre l'exploitation familiale, et l'a agrandie, a construit une bergerie plus grande et s'est lancé dans une entreprise avec Michaël, son neveu (qui lui, a grandi en région parisienne, mais qui a souhaité revenir vivre de la terre auprès de son oncle). Du fait des lois actuelles, Michaël est contraint, pour ultérieurement pouvoir reprendre l'affaire - ou s'associer avec J-Michel - de passer un bac pro (qu'il va passer en tant qu'adulte), avec des contraintes qu'on imagine difficilement (cours à Grenoble la semaine, tout en travaillant presque à temps plein le WE et parfois le soir s'il peut rentrer la semaine).
Jamais je ne les ai entendus se plaindre. Ils ont un regard très critique sur leur condition, sur les obligations de la politique européenne, mais disent faire ce qu'ils ont toujours voulu faire, et le font avec amour. Et pour rien au monde ne souhaiteraient partir plus de quelques jours de leur chère montagne.

D'autres que Jean-Michel et Michaël vivent de la terre : certains sont saisonniers (bergers l'été, et travailleurs dans les stations de sport d'hiver). D'autres ont des métiers plus classiques dans le village ou ses environs (mécanicien, boulanger, cantonnier, facteur, épicier, etc). D'autres travaillent pour le Parc des Ecrins, leurs enfants reprennent le flambeau en travaillant l'été à entretenir les sentiers que nous utilisons avec bonheur dans nos randonnées.

Les Anciens sont, par la force des choses, de moins en moins nombreux. Certains m'ont accueillie chez eux, autour d'un génépi, ou d'un vin de noix. D'autres m'offrent des oeufs, des salades, des confitures. Ou encore s'inquiètent de ma santé lorsqu'ils ne m'ont pas vue quelque temps.

En un mot comme en cent : ce sont des gens que j'aime.

Tromer
Il me semble que les vues d'intérieur avec les animaux manquent un peu de piqué, de profondeur... (...) on finit par devenir exigeant... qu'en penses-tu ?

J'ai bien conscience que mon traitement de l'image numérique n'est pas top...
Mais j'ai fait de mon mieux :?

  
marielle
En un mot comme en cent : ce sont des gens que j'aime.


Ça, ça se voit. Vraiment.
Coin.
  • Message par HB, vendredi 9 octobre 2009 à 7h59
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Le traitement de tes images est bien aussi important que ce tu as voulu et réussi à faire passer dedans :wink:
J'ai un "reportage" sur l'élevage de chèvre, les Deux Sèvres étant aussi un département de fromage, pas aussi bien que le tien :wink:
  • Message par insoL, vendredi 9 octobre 2009 à 9h59
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Très jeune, j'ai côtoyé cette vie là et, ici, la montagne la rend plus rude encore, me semble-t-il.

Mais je crois que la survivance de ce mode de production, qui défie une politique européenne soumise au lobbying intensif des grands groupes, suppose une détermination exceptionnelle, comme le souligne Marielle, avec l'exemple de ce jeune homme.

En ville, j'achète régulièrement du fromage frais et, par exemple, je suis choqué de devoir jeter les paniers en plastique, qui seraient facilement récupérables, pour satisfaire aux règles d'hygiène (?) européennes.

Merci Marielle !
Rien ne peut être pensé sans son contraire.
Héraclite

  
Je me joins aux autres commenaires, très beau reportage !

Pour un instant, la vie de Jean-Michel et Michaël, m'a évoqué un film que j'ai vu il y a très longtemps...

...Vittorio Gasman est bloqué sur une autoroute par un bouchon immense, il descend de sa voiture, n'éteint même pas le moteur, et commence à marcher, des centaines de kilomètres. Puis, il monte une montagne, pour s'installer finalement dans un coin qui ressemble a celui de Jean-Michel et Michaël. Je ne me souviens pas le titre du film
touche pas à mon hamac !
http://barnackla404.blogspot.com/
  • Message par JEB, lundi 7 décembre 2009 à 22h36
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Grand plaisir à voir ce reportage, marielle, très vivant, détaillé, empathique, qui outre ses qualités évidentes (cadrage, ambiances, détails –ces mains…–) auxquelles tu nous as accoutumés, m'a rappelé moult souvenirs d'enfance (avec plutôt des vaches mais c'était le même turbin, et la même sensation de l'élémentaire noblesse du produit fait main) restés vivaces en moi. Ah, si on pouvait y revenir, à ces moments, le Nikon ou autre à la main…
En plus, ce reportage me confirme dans ma conviction que les constructions européennes ne tueront pas ces gens-là, en tout cas pas ceux qui refuseront de se laisser laminer et emballer dans les fourres plastiques dont parle Insol. En marge des grands marchés macdonaldisants il y aura toujours une place pour eux. De tels reportages y contribuent, comme tout ce qui peut informer et appâter. Par exemple, je suis chaque année agréablement étonné de voir nos élèves du gymnase (=lycée), provenant en grande partie de pays plus ou moins lointains, découvrir et bientôt apprécier des produits du terroir du genre photographié ici, lors d'une petite fête d'accueil que nous leur réservons: saucissons, fromages, tartes et autres produits ancestraux dont ils ne savaient même pas l'existence. Oui, appâter: c'est mieux que tous les discours sur la malbouffe.
En tout cas merci de cette goûteuse immersion! :D:

  
Merci, JEB, pour ton intervention ! Elle m'a fait un très grand plaisir :pyrhlov: .

Si j'ai réussi à faire passer dans ces photos l'amour de la terre, du terroir (même si cette appellation me semble trop galvaudée), la noblesse de ces métiers de toujours qui survivent grâce à la ténacité et au courage d'une poignée d'hommes qui luttent autant contre l'adversité de la nature, les difficultés de la vie rurale, que contre les lois qui viennent d'"en haut", parfois incompréhensibles et dévastatrices, si j'ai réussi à transmettre l'amour que j'ai pour cette poignée d'hommes fiers, j'aurai réussi ce que je souhaitais.

Pour l'occasion, les photos ont été retravaillées (pas par moi, je suis mauvaise - pour différentes raisons - dans le post-traitement des images !!) et repostées : un grand merci à Laurent Coignet, alias :kim , pour son travail qui permet à ces photos d'avoir une nouvelle vie !
:bise:

Les photos ainsi retravaillées seront tirées, et reliées avant d'être offertes (pour Noël ?) à Jean-Michel.
Un de ses fromages nous attend là-haut, sur la montagne...
  • Message par Garp, mardi 15 décembre 2009 à 19h55
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Excellent post-traitement :D: :wink:
L'idée d'un univers infini me rend fou

Bonjour,
Assurément c'est bien documenté, on y voit clair dans leur vie de travail. J'aurais aimé toutefois un petit portrait des protagonistes témoignant qu'ils sont heureux :wink:
Cela ne doit pas être bien loin du Chazelet ! on dirait la vallée qui accède au Goléon sur la photo N°2. Je crois reconnaitre cette vallée très creusée.
Bravo et merci pour le partage.
Arnaud

  
Tu as parfaitement reconnu la vallée !
Il s'agit bien d'un des hameaux au dessus de La Grave, en allant vers le Goléon. Sur la photo n°2, le premier village dont on aperçoit le clocher est Les Hières, au loin, Villar d'Arène. Le Chazelet est dans notre dos. Le hameau dans lequel se trouve la fromagerie s'appelle Ventelon.

Jean-Michel et Michael sont heureux de leur vie. Ils l'ont véritablement choisie, comme je l'indiquais plus haut. Ils aiment leur montagne, ils aiment leurs bêtes. A aucun prix, d'après ce qu'ils ont pu nous dire, ils n'envisagent de quitter cette vie. En revanche, ils ont depuis maintenant presque 2 ans, arrêté la production de lait et de fromage, trop prenante, trop contraignante, et de moins en moins rentable. Ils font désormais de l'élevage de bovins, et gardent quelques chèvres pour eux. C'est dommage pour nous : adieu le lait frais, le caillé, les fromages délicieux des retours de randonnées...

Je suis d'autant plus heureuse d'avoir pu les photographier avant qu'ils n’arrêtent...

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