le Pirate Forum

  
A savoir.

Le Climatic Research Unit (CRU) de l'université d'East Anglia (UK) a fait l'objet, juste avant Copenhague, d'une attaque sophistiquée de hackers qui ont piraté les serveurs e-mails, les ont analysé, ont publié des extraits tronqués de leur analyse sur le net, ce qui a généré ce qu'il est convenu d'appeler le "Climategate".
Passons sur la déontologie et les moyens nécessaires à une telle action, et admettons le fait qu'il s'agit d'une action de bienfaiteurs (masqués) de l'Humanité.

Dans la logique britannique, une commission d'enquête a œuvré, et rendu des conclusions favorables sur le fond aux scientifiques, même si, sur la forme, elle a découvert qu'il s'agissait d'humains capables de péché. Je viens d'achever la lecture du rapport de cette commission ; je suppose que tous ceux qui s'expriment sur ses conclusions en ont fait de même. Je vous en dispense de mon analyse qui serait un peu technique.

Comme indiqué plus haut, je préfère à nouveau recommander "en creux" la réaction de Patrick Michaels, publiée par le Wall Street Journal.

Ce monsieur Michaels est un membre éminent du Cato Institute, un think-tank US, conservateur ultralibéral et opérateur de lobbying, qui a participé à la plupart des grands combats contre les régulations environnementales : tabac, CFC, … et aujourd'hui climat.
L'historienne Naomi Oreskes vient de publier un fort intéressant ouvrage sur le sujet, "The merchants of doubt" - mais on sait déjà que sur certains sujet les éclairages de l'histoire ne sont pas forcément les bienvenus, et puis personne ne lit plus les sources, le web dispense à l'envie des opinions en prêt à penser. Le Wall Street Journal, quant à lui, a été de tous les combats menés par les officines du néo Maccarthysme. Pour ce qui concerne Patrick Michaels, une promenade sur le web s'avère relativement éclairante.

Pour revenir au Cato, comme indiqué sur son site, à la rubrique "about" "In order to maintain its independence, the Cato Institute accepts no government funding", ce qui est explicite. On en trouve un peu plus sur google, ou sur les références dans wikipédia : le Cato Institute s'est donné pour mission de défendre des intérêts que l'on peut qualifier de privés, même si ce mot n'a aucune connotation négative de ma part - je suis convaincu que les intérêts privés sont légitimes, à la conditions qu'ils restent à leur juste place, et ça ne sont pas les crises financières récentes qui portent à contredire cette vision.

C'est ce type d'agence qui contribue à répandre sur la toile, à grand frais, le tissu de désinformation, de mensonges et de diffamation colporté ensuite autour du monde de bonne foi, notamment ici-même. Leur objectif, issu de la stratégie développée par les cigarettiers américains à la fin des années 50, est de simuler un débat scientifique (en appointant des scientifiques déçus ou à la retraite pour porter le fer) afin d'introduire doute et controverse dans le champ de l'opinion, laquelle ne peut instruire le fond de tous les sujets. Avec internet, la technique est désormais rodée et assez largement utilisée.

Je reviens à Naomi Oreskes (la prochaine cible publique, les assauts ont déjà commencé) lorsqu'elle retrace l'histoire de la controverse artificielle orchestrée par les industriels du tabac, qui les vit finalement condamnés en 2006 au nom du RICO Act ("Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act"). Un des documents fondateur de leur stratégie fut écrit en 1969, au plus fort de la crise provoquée par la publication répétée de rapports officiels sanitaires US sur les dangers du tabac.
Je cite : "Doubt is our product since it is the best means of competing with the “body of fact” that exists in the mind of the general public. It is also the means of establishing a controversy. Within the business we recognise that a controversy exists. However, with the general public the consensus is that cigarettes are in some way harmful to the health. If we are successful in establishing a controversy at the public level, then there is an opportunity to put across the real facts about smoking and health. Doubt is also the limit of our “product”. Unfortunately, we cannot take a position directly opposing the anti-cigarette forces and say that cigarettes are a contributor to good health. No information that we have supports such a claim."
Les mêmes dignitaires scientifiques et officines qui furent enrôlés dans ces campagnes, dont F. Seitz, furent ensuite sollicités dans toutes les campagnes de même esprit s'opposant au nom du "doute scientifique" aux régulations environnementales - dont le changement climatique. La réponse du George Marshall Institute à Naomi Oreskes reprend point pour point cet argumentaire de 1969.

La stratégie est donc explicite : faire apparaître un "doute scientifique" dans l'opinion, ce qui justifie ensuite le recours systématique au "débat contradictoire". L'opposition fondatrice de ce débat serait alors entre des firmes qui assurent la prospérité de l'humanité libre et une internationale rampante de néo-communistes chercheurs, fonctionnaires et écologistes. En bref, les USA, au premier rang des consommateurs de planète, exportent leurs débats politiques intérieurs.
Je ne suis ni naïf, ni manichéen : le paradigme de la croissance productiviste, qui a assuré notre confort autant que celui des américains, ne peut être jeté aux orties si facilement. Ces gens défendent leurs affaires, mais ces affaires sont aussi largement les nôtres, et l'utopie ne nous conduira probablement nulle part. Il est donc normal qu'un débat existe, et que des arbitrages politiques aient lieu.

Mais la science n'a rien à faire dans ce débat, car elle n'est pas un objet de débat d'opinion ni d'intérêt. Convoquer la science dans de tels controverses, comme on l'a fait en son temps avec l'eugénisme, est un crime éthique - et entendons nous bien, la science ne doit être instrumentée par aucune des parties.

La situation qui prévaut aujourd'hui, c'est d'un côté un dénigrement passionné et passionnel, toujours caricatural, souvent diffamatoire et mensonger, usant au passage de moyens illégaux ou au moins malhonnêtes, capitalisant sur l'incompétence (je pourrais faire l'exégèse des "affaires" du hockey stick ou de l'optimum médiéval évoqués plus haut). De l'autre un engagement public exigeant reposant sur un impératif de sérénité de moins en moins satisfait. Le tout baignant dans un océan d'informations vraies et fausses mélangées, prospérant sur le terreau de l'inculture scientifique. Comme disait Jonas, "la sagesse nous est le plus nécessaire au moment où nous y croyons le moins".

Ce "débat", nous n'en sommes pas spectateurs mais acteurs.

Laissons chacun à sa conscience, et l'avenir jugera : "fiat justitia et pereat mundus".
Quelqu'un qui fait des images ne peut pas être rassurant
Raymond Depardon, Errance

Flickr

"fiat justitia et pereat mundus"

Qu'est-ce que cela signifie ? Cela laisse-t-il à penser qu'il n'y a pas de solution, et que toute recherche de solution serait vaine, tant nous sommes prisonniers de notre propre système ?

C'est particulièrement dérangeant !

Cultiver son jardin ne suffira donc pas.

Maintenant, de quel monde Ferdinand de Hasbourg, à qui l'on attribue cette citation, parlait-il ?
"Le Leica 50mm Summilux est la preuve vivante que Dieu nous aime et veut que nous soyons heureux"

Jmichel33
"fiat justitia et pereat mundus"

Qu'est-ce que cela signifie ? Cela laisse-t-il à penser qu'il n'y a pas de solution, et que toute recherche de solution serait vaine, tant nous sommes prisonniers de notre propre système ?

à mon sens, oui, il n'y a pas de solution, ou alors suffisement batarde pour qu'elle n'ait aucune réelle efficacité

C'est particulièrement dérangeant !

pourquoi donc? dans l'acceptation purement humaine, oui, d'un point de vue géologique, ça l'est beaucoup moins

Cultiver son jardin ne suffira donc pas.

à te nourrir? oui, à changer le monde? pffff :rollr:

Maintenant, de quel monde Ferdinand de Hasbourg, à qui l'on attribue cette citation, parlait-il ?

pas compris

  
A titre personnel, je rejoins Naufrageur.
Changement climatique ou pas, "notre" monde dit développé s'écroulera, et justice sera faite, en un sens — à moins qu'il ne soit remplacé par les émergents déjà bien émergés.
Par contre, la pression climatique aura peut-être pour effet secondaire de précipiter des décisions radicales, ici ou là.

Je pense parfois que nous sommes au début d'une ère, de notre ère, et qu'un nouveau mysticisme aurait seul la force de l'emporter. Saint Paul, en 50 ans, a fait du martyr Jésus une force spirituelle qui emporta tout le monde romain, considéré invincible. Mais ça, c'est quand je déraille un peu !
Quelqu'un qui fait des images ne peut pas être rassurant
Raymond Depardon, Errance

Flickr
  • Message par Garp, mercredi 28 juillet 2010 à 20h53
    citer

Si la terre existait depuis une heure, l'humanité y serait depuis 1/100° de seconde. La morsure d'un cobra sur un enfant n'est rien comparé au venin des humains sur la terre. D'un point de vue mathématique, pas sur que l'on dépasse la seconde de présence sur la terre. :gaga:
L'idée d'un univers infini me rend fou

Un second 1/100e serait déjà ou bien ou beaucoup.
  • Message par Garp, mercredi 28 juillet 2010 à 21h10
    citer

danyves
Un second 1/100e serait déjà ou bien ou beaucoup.


ou de trop ?
L'idée d'un univers infini me rend fou
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