le Pirate Forum
    en retard

  
J'interviens tardivement, pour simplement dire tout mon intérêt pour ce fil, et mon plaisir à voir vos photos et lire vos commentaires.

Je nuancerai le propos du Pote qui rappelle avec justesse que Brasilia est une sorte de Cergy-Pontoise. Ce n'est pas faux, et en effet, j'ai bien dû quelque part écrire cette analogie. Elle n'est cependant que partielle, car, si dans les deux cas il s'agit d'une création ex-nihilo, le deus ex machina déployant sous nos yeux éblouis la ville du futur dans le désert (Brasilia), ou les vergers (Cergy), Cergy-Pontoise se voulait à l'origine écrite en harmonie avec les traces laissées par le parcellaire ancien, et inscrite dans le paysage naturel rayonnant du méandre de l'Oise, à la suite d'une réflexion collective de services publics de l'État et d'un travail de planification que l'on peut qualifier de pionnier1, quoi que l'on pense du résultat ; tandis que Brasilia est une création totalement gratuite, avant tout politique, dans un territoire désert, destinée non pas réellement à accompagner le développement du pays, mais à asseoir une autorité.

Brasilia, c'est bien plus Versailles que Cergy, le trident baroque ayant fait place à l'avion.
Il est vrai que l'on trouvera en commun avec Cergy le découpage en quartiers par destinations, mais l'analogie s'arrête relativement rapidement, Cergy ne servant pas à glorifier le pouvoir en place, mais à accompagner l'urbanisation galopante de la Région Parisienne des années 70.
Les villes nouvelles étaient-elles vraiment la bonne solution ? ont-elles été réalisées de manière satisfaisante ? le débat est évidemment ouvert, mais c'est un autre débat. Ayant été réalisées dans un pays à peu près démocratique, on a pu les critiquer, les faire évoluer, repenser les credo d'origine (à Cergy, on tente d'effacer les erreur de l'urbanisme sur dalle du quartier de la préfecture).
En regard, Brasilia est figée, telle un mausolée à la gloire du créateur.

Plastiquement, j'ai eu l'occasion de dire ce que je pense d'une telle architecture. C'est joli, mais un peu gratuit, non ?

Est-ce aussi joli "en vrai", puis-je demander en toute innocence, n'ayant jamais eu l'occasion de voir de telles réalisations de près ?

Les photos de Piga ont pour moi deux intérêts majeurs : elles font plus que montrer, elles exploitent absolument les caractéristiques plastiques des bâtiments, en des jeux photographiques parfaits. Les photos en jeux d'ombres, qui semblent à la fois tellement logiques, mais qui rendent également difficile à appréhender la réalité physique des bâtiments, sont remarquables. Elles démontrent a contrario que leur intérêt est bien plus plastique que fonctionnel, présentant tour à tour les objets perdus sur leurs esplanades arides, et les jeux de géométrie, d'ombre et de lumière, qui trouvent leur force essentiellement dans l'objectif. C'est souvent le cas des architectures les plus "radicales" du XXe siècle : elles sont plus faites pour être photographiées que pour être vécues.

Merci à tous deux pour ce fil enrichissant, et merci à Piga pour sa première contribution à notre site.

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1. - Vous pouvez lire à ce sujet Jean-Michel Vincent, l'invention de la maitrise d'œuvre urbaine, aux éditions l'Harmattan.

  
coignet a écrit :
Je nuancerai le propos du Pote qui rappelle avec justesse que Brasilia est une sorte de Cergy-Pontoise. Ce n'est pas faux, et en effet, j'ai bien dû quelque part écrire cette analogie. Elle n'est cependant que partielle, car, si dans les deux cas il s'agit d'une création ex-nihilo, le deus ex machina déployant sous nos yeux éblouis la ville du futur dans le désert (Brasilia), ou les vergers (Cergy), Cergy-Pontoise se voulait à l'origine écrite en harmonie avec les traces laissées par le parcellaire ancien, et inscrite dans le paysage naturel rayonnant du méandre de l'Oise, à la suite d'une réflexion collective de services publics de l'État et d'un travail de planification que l'on peut qualifier de pionnier1, quoi que l'on pense du résultat ; tandis que Brasilia est une création totalement gratuite, avant tout politique, dans un territoire désert, destinée non pas réellement à accompagner le développement du pays, mais à asseoir une autorité.

Brasilia, c'est bien plus Versailles que Cergy, le trident baroque ayant fait place à l'avion.
Il est vrai que l'on trouvera en commun avec Cergy le découpage en quartiers par destinations, mais l'analogie s'arrête relativement rapidement, Cergy ne servant pas à glorifier le pouvoir en place, mais à accompagner l'urbanisation galopante de la Région Parisienne des années 70…. En regard, Brasilia est figée, telle un mausolée à la gloire du créateur.


Tu as raison, mais personnellement j'étendrai bel et bien l'analyse aux villes nouvelles. L'architecture officielle symbolique existe depuis toujours, grecs, romains, moyen âge avec beffrois et cathédrales, arcs de triomphe, … nos villes nouvelles étant des hymnes au progrès matériel industriel de l'après-guerre, à l'essor des ouvriers vers la classe moyenne, et à la planification des trente glorieuses.
De ce point de vue Brasilia poursuit le mouvement historique, mais ne l'achève pas, l'urbanisme et architecture durables en étant aussi des avatars, ainsi que les tours monumentales et diverses avenues (Karl Marx à Berlin)...


coignet a aussi écrit :
Plastiquement, j'ai eu l'occasion de dire ce que je pense d'une telle architecture. C'est joli, mais un peu gratuit, non ?

Est-ce aussi joli "en vrai", puis-je demander en toute innocence, n'ayant jamais eu l'occasion de voir de telles réalisations de près ?

Les photos de Piga ont pour moi deux intérêts majeurs : elles font plus que montrer, elles exploitent absolument les caractéristiques plastiques des bâtiments, en des jeux photographiques parfaits. Les photos en jeux d'ombres, qui semblent à la fois tellement logiques, mais qui rendent également difficile à appréhender la réalité physique des bâtiments, sont remarquables. Elles démontrent a contrario que leur intérêt est bien plus plastique que fonctionnel, présentant tour à tour les objets perdus sur leurs esplanades arides, et les jeux de géométrie, d'ombre et de lumière, qui trouvent leur force essentiellement dans l'objectif. C'est souvent le cas des architectures les plus "radicales" du XXe siècle : elles sont plus faites pour être photographiées que pour être vécues.



La dimension humaine de l'architecture s'apprécie de l'intérieur, l'extérieur ayant l'apanage de la symbolique. Piga a eu la chance de pénétrer dans un des palais, ce que je n'ai pas fait dans l'Axe majeur, sauf la cathédrale. Et dans ce cas précis j'ai été conquis.

En revanche j'ai fréquenté l'Université Nationale, et j'y ai été épaté par la pertinence des fonctionnalités, ainsi que par l'appropriation des espaces par les usagers.

J'aurais bien aimé voir l'intérieur du Parlement, plus que le musée car les musées sont le plus souvent l'objet d'exercices de style outrés, c'est leur fonction.

En fait en quelques heures on ne voit, et donc on ne photographie, que la peau de cette architecture. D'une certaine façon, c'est peut-être un mauvais service à lui rendre. D'autant plus que le dessin épuré des bâtiments appelle effectivement un exercice photographique de plus en plus formel au fur et à mesure que l'on avance. Pour au final délivrer un message aux antipodes de la réalité de ce pays, notamment de son anti-urbanisme débridé mêlant tours ultra-modernes et favelas.
Quelqu'un qui fait des images ne peut pas être rassurant
Raymond Depardon, Errance

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    Commentaires sur les commentaires
  • Message par Piga, mardi 11 décembre 2012 à 19h36
    citer

  
coignet a écrit :
… Est-ce aussi joli "en vrai", puis-je demander en toute innocence, n'ayant jamais eu l'occasion de voir de telles réalisations de près ?

"En vrai" ce n'est pas "joli", c'est fascinant, c'est une œuvre de visionnaire, un rêve éveillé, une impression d'irréalité. Mais on sent bien que la vraie vie est ailleurs. D'ailleurs, comme l'avait remarqué tonhito, il manque les gens sur ces photos. Tout simplement parce que les gens sont dans d'autres quartiers de la ville le samedi…

coignet a écrit :
… Les photos de Piga (…) font plus que montrer, elles exploitent absolument les caractéristiques plastiques des bâtiments, en des jeux photographiques parfaits. Les photos en jeux d'ombres, qui semblent à la fois tellement logiques, mais qui rendent également difficile à appréhender la réalité physique des bâtiments (…) démontrent a contrario que leur intérêt est bien plus plastique que fonctionnel, présentant tour à tour les objets perdus sur leurs esplanades arides, et les jeux de géométrie, d'ombre et de lumière, qui trouvent leur force essentiellement dans l'objectif…

Merci ; on n'est jamais à l'abri d'une bonne photo de temps en temps. Mais pour moi ça a été un jeu, exploiter formellement ces structures et profiter des contrastes que l'éclairage m'offrait. J'avais 3 optiques (21, 35, 50) que j'ai toutes utilisées, mais les photos les plus graphiques ont été faites au 50 et j'aurais pu me contenter de cette seule optique.

Jacques, pote a écrit :
…J'aurais bien aimé voir l'intérieur du Parlement, plus que le musée car les musées sont le plus souvent l'objet d'exercices de style outrés, c'est leur fonction.

J'ai visité l'intérieur du Parlement, du moins la partie "horizontale" (les deux "bols" et le "plateau technique"), pas les deux tours accolées de bureaux qui ne m'auraient sans doute rien appris. Il était demandé de ne pas photographier à l'intérieur, donc je n'ai rapporté aucune photo. Étant un peu familier du travail parlementaire j'ai apprécié la fonctionnalité des lieux (salles de commissions, service de documentation, hémicycles conçus pour un travail législatif efficace grâce à une informatique performante qui permet aux parlementaires d'avoir en temps réel l'état du texte en discussion avec les amendements votés – il est vrai que Niemeyer n'est pour rien dans cette dernière question). Beaucoup apprécié également l'effort de transparence de cette structure à l'égard du citoyen : documentation claire, visites guidées – qui témoigne d'une vraie approche démocratique du travail du Parlement.

Jacques, pote a écrit :
…En fait en quelques heures on ne voit, et donc on ne photographie, que la peau de cette architecture. D'une certaine façon, c'est peut-être un mauvais service à lui rendre. D'autant plus que le dessin épuré des bâtiments appelle effectivement un exercice photographique de plus en plus formel au fur et à mesure que l'on avance. Pour au final délivrer un message aux antipodes de la réalité de ce pays, notamment de son anti-urbanisme débridé mêlant tours ultra-modernes et favelas.

Je suis totalement d'accord et je l'ai dit plus haut, c'était davantage un exercice de style qu'un travail de fond. Et cela n'a en effet rien à voir avec la réalité du pays, que j'avais un peu approchée au cours des trois journées précédentes, lors de notre séminaire qui m'avait permis de rencontrer des personnalités remarquables. Il portait sur les coopérations croisées franco-brésiliennes en Afrique et Haïti, avec 3 domaines majeurs : santé, urbanisation, gestion des forêts tropicales humides, et ce fut passionnant. Et peut-être utile, j'espère.
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