J'ai eu aussi la chance d'entendre Brendel dans de grands moments, il y plus de 15 ans à Paris ; mais aussi plus récemment dans un moment assez médiocre, semblant s'ennuyer, et nous ennuyant...
Ils sont humains !
Ce que tu évoques à propos de l'accès difficile à l'écoute en direct des grands orchestres, est aussi vrai aujourd'hui qu'à l'époque de Furtwängler.
Il faut être patient, et on finit par y arriver.
Ces grands orchestres mythiques (Berliner, Wiener) sont certes moins accessibles que l'orchestre de l'opéra de Paris, mais le mythe tient réellement à une musicalité hors pair, et non à l'organisation de la rareté.
Lorsque tu fais allusion à Casals à Prades ainsi qu'à Serkin, (et on peut citer aussi Isaac Stern, Mieczyslaw Horszowski...), il s'agit de solistes, non de grandes formations symphoniques.
Bien sûr, à moi aussi, ces gens d'exception qui ont su être modestes et accessibles sont infiniment plus sympathiques que des stars qui organisent la rareté.
Concernant Cortot, je ne vais évidemment pas tenter de faire croire que j'ignore son comportement veule pendant l'occupation.
Mais je n'oublie pas le choc qu'a pu être pour moi la découverte de ses enregistrements de Chopin faits dans les années trente, ni l'incroyable poésie des rares enregistrements publics de la fin de sa vie (il y en a aussi de catastrophiques, à croire qu'il était certains soirs gâteux).
Même l'intransigeant Casals l'avait invité à jouer à Prades, ayant ainsi la même attitude que celle qu'adopta Menuhin en décidant de jouer avec Furtwängler.
Il n'est pas exact que Cortot jouait le concerto pour la main gauche de Ravel à deux mains, il l'a suffisamment joué en public avant la guerre pour que tout le monde sache qu'il savait respecter le texte de Ravel. Une sorte de légende urbaine circule, suivant laquelle il aurait enregistré ce concerto à deux mains en studio avec Charles Münch. Ce qui est exact, c'est qu'il pensait avoir de bonnes idées d'amélioration de ce concerto, dans une version pour deux mains qu'il avait écrite, soumise à Ravel, qui l'avait refusée ! Exact aussi évidemment que ce n'est pas dans ce type d’œuvres que Cortot a donné le meilleur de lui-même.
En revanche, pour la petite histoire, Ravel, mauvais pianiste, avait lui-même enregistré à deux mains son concerto, car il n'avait pas la technique pour le jouer tel qu'il l'avait écrit.
A ce propos, le cas de Ravel interprète est intéressant, tout particulièrement à propos de ses deux concertos pour piano. Il en avait une vision très policée et
boîte à musique, comme en témoigne le jeu de Marguerite Long et les enregistrements faits sous sa direction, mais il me semble que la vision d'autres interprètes a donné à ces œuvres une épaisseur et une grandeur que peut-être Ravel lui-même ne soupçonnait pas ; je pense en particulier aux enregistrements habités de Samson François.