Védédé, tu fais allusion au prix summilux.net.
Certains ont choisi d'être discrets, d'autres de faire beaucoup de publicité autour de leur participation.
Tu fais partie de la seconde catégorie.
Personnellement, j'ai fait aussi de nombreux concours cette année, mais pas photographiques. Certains ont été des échecs, d'autres m'ont permis de gagner ma vie. Jamais le jury ne s'explique.
Revenons au concours summilux.net. Tu remarques qu'il n'y a pas eu de commentaires après la proclamation des résultats. C'est vrai, et étonnant.
Mais peut-être n'ose-t-on rien dire car le résultat semble évident, et, après avoir applaudi le lauréat, l'exercice qui consiste à critiquer les autres dossiers proposés peut paraître un peu périlleux.
Si je devais faire ce jeu avec les travaux de deux membres éminents et actifs de notre
Pirate, j'ai nommé Marielle et Védédé, voici ce que je pourrais en dire.
Le dossier de Marielle est intéressant, émouvant, et porte en germe un futur livre que l'on imagine aisément au regard de ce qu'elle a déjà fait par ailleurs avec ses premières séries en noir et blanc, et ce qu'elle a fait depuis, publié ici même.
Mais une nécessaire sélection sévère, appuyée par un discours construit, n'est pas encore faite, et en conséquence, on peut considérer qu'elle a présenté une œuvre en devenir, qui n'est pas satisfaisante dans la forme proposée pour le concours.
Ainsi, en raison également d'une forme photographique plus proche du reportage que de la belle photographie, sans reportage écrit, son dossier proposé ne pouvait objectivement pas l'emporter.
Le dossier de Védédé souffre de quelques faiblesses de même nature que celui de Marielle : il n'est pas abouti, la qualité photographique est insuffisante, et hétérogène.
L'autre faiblesse, supplémentaire me semble-t-il, est le thème absolument dérisoire.
Je n'ai rien contre le dérisoire, mais je crois qu'il faut, lorsqu'on se frotte à ce type de jeux, être d'une rigueur et d'une perfection absolues.
Les références qui me viennent à l'esprit concernant ce genre d'exercice se situent du côté des Oulipiens et de leurs camarades, et tout particulièrement de Raymond Queneau (
Exercices de style, Gallimard, 1947), ou Georges Perec (Avec Barandard,
La cathédrale de Chartres dans tous ses états, Denoël, 1982, (montages photographiques), ou
Tentatives d'épuisement d'un lieu parisien, Christian Bourgois, 1975). On peut aussi penser aux
Cronopes et fameux de Julio Cortazar (Gallimard, 1962).
Certes, ces références sont essentiellement littéraires, mais je les choisis parce que leurs auteurs créent des développements ludiques et formels sur la base d'une idée d'origine ténue, minuscule, et qu'en l'exploitant avec talent et beaucoup de travail, ces écrivains amusants donnent à leur jeu une épaisseur supplémentaire, poétique.
Ainsi, le fait que
coin puisse signifier plusieurs choses différentes, et se mettre en images, ne se suffit pas. Il faut non seulement que ce jeu de mots prenne un peu plus de densité, mais aussi que les photos ne puissent souffrir la critique, qu'elles s'imposent comme évidentes.
La seule que je retiendrai personnellement est celle des chiens qui arrivent de chaque côté du coin, très dynamique et amusante.
Elle gagnerait malgré tout, à mon avis, à ne pas avoir été faite au si grand angle.
Cela m'amène à mon avant-dernier commentaire à ce sujet : l'usage trop systématique du très grand angle, des plongées et contre-plongées trop évidentes produisent une dramatisation facile qui dessert les photos qui s'en trouvent soit un peu bancales, soit maniérées.
Mon dernier commentaire concerne le noir et blanc issu de couleur désaturée, qui manque de naturel et de dynamique.