Pour reprendre : l'exercice du parler décalé est difficile.
Parler de nos sentiments devant le nu l'est aussi.
Pour plusieurs raisons, car on y trouve, mêlés, des sentiments contradictoires, de l'attirance, du rejet, de la gêne, de l'admiration, de la pudeur.
C'est aussi l'occasion pour les uns, parfois, de dire ou faire des choses qui semblent inacceptables aux autres.
Discussion à poursuivre donc avec précautions, sans se vexer.
Personnellement, j'ai dit ne pas aimer le nu. C'est un sentiment complexe, qui est dû à plusieurs niveaux de perception, et, dans une autre sphère de mon vaste esprit, à un goût particulier pour ce qu'on appelle l'art.
Je pourrais être encore plus provocateur, en disant que je n'aime pas la photographie.
Pendant longtemps, ça a été vrai.
J'aime depuis toujours, le dessin, la peinture, et tout ce qui tourne autour, le croquis, l'esquisse rapide, le lavis, les jus divers, de toutes textures et couleurs. La plume, le crayon, le pinceau. J'admire ceux qui le manient bien, de Franquin à Claude Lorrain, en passant par Turner, ou même Michaux.
Pourtant, depuis l'enfance, je suis captivé par le labo photo, la film, le négatif et son empreinte. Et petit à petit, j'ai appris à regarder et comprendre ce que les autres font avec cet outil particulier, l'appareil photo. Tant ceux qu'on appelle les "grands", les historiques, que vous, membres de grand kimfoto, ou de summilux, et vous, toujours qui êtes pour certains mes amis. Et j'y ai pris goût. Du goût que j'ai peut-être depuis toujours, de capturer l'instant, de jouer avec la lumière saisie, avec le mouvement, avec de petites notations dérisoires, ou de bien saisir l'esprit d'un lieu, d'une architecture, car, même si ça ne se voit pas sur kimfoto, j'aime aussi cela, allié au goût des
arts en général, j'ai appris à voir la photo des autres. C'est plutôt récent, et, on pourrait presque dire que j'ai découvert Ronis en même temps que j'ai découvert La Diva, Cartier-Bresson en même temps qu'un certain Jean-Yves, etc.
L'appareil photo capte ce qu'on dispose devant lui. Lorsqu'on dispose des corps, il peut y avoir toutes sortes de raisons de le faire :
L'amour, on photographie le corps aimé. Ces photos n'ont pas vocation à être vues par d'autres.
Le portrait, on saisit le corps dans le même état d'esprit qu'on saisirait les expressions d'amis en train de prendre l'apéro à la maison..
Le documentaire.
La provocation (j'ai pratiqué, récemment, sur quelques forums internet).
Quel que soit le moteur, que ce nu soit le nôtre, ou celui de l'autre, il nous renvoie à notre statut de chairs vivantes, et ça peut tout autant être beau que moche, plaisant que très gênant. Ce n'est jamais neutre.
Le fait que notre quotidien, désormais, est littéralement envahi de nus de femmes, retouchées et fausses, rend la confrontation au nu encore plus difficile. Dès que je vais au tabac-journaux du coin, acheter mon quotidien ou un carnet de timbres, j'ai sous les yeux, au comptoir, des photos de créatures improbables sans hanches, sans cuisses, sans ventre, et ornées de seins monstreux, dilatant d'étranges dessous minimalistes.
Quid des photos de moi-même, de mes amours, dans ces conditions ? Elles sont vraies, et nous n'avons plus l'habitude des corps vrais. C'est quand-même terrible, alors que nous vivons à l'époque de la permissivité et que le sein n'est plus cette chose que nous ne saurions voir, que nous en voyions tant de faux, que lorsque nous voyons les nôtres, ils nous semblent étranges.
Et nous nous trouvons, (il suffit de regarder quelque site internet pour vérifier), à faire toujours les mêmes images, généralement des images de femmes par des (leurs) hommes, qui cherchent à reproduire ce qui a déjà été vu cent et cent fois : pour voir que nos femmes ne sont pas plus moches que celles des magazines… (j'utilise un "
nos" et un "
nous" génériques).
Autre chose à ne pas oublier : nos pudeurs, nos gênes par rapport à nos propres corps, il n'est jamais facile, dans un environnement comme le nôtre, d'être en paix avec son propre corps. Je crois que je suis en train, enfin, avant qu'il ne commence à décatir, à y arriver, pour ma part.
Bref, je comprends le Pote lorsqu'il dit qu'il n'aime pas le nu, tout en n'ayant pas de réponse. Je comprends aussi insoL, qui fait d'ailleurs de très belles photos de nu, natures.
Il est de beaux nus, il est des approches d'artistes, il est aussi des approches amoureuses. Le nu ne peut pas être neutre.
Ne nous engeulons pas à son sujet, et ne nous blessons pas non plus.
Ne laissons pas entendre que ne pas aimer le nu signifierait l'existance d'une certaine frustration sexuelle. A titre personnel, j'ai assez entendu cet argument.
Salut !
